vendredi 30 septembre 2011

Economie : L’EUROPE À DEUX DOIGTS DU DÉSASTRE

Je tiens à remercier Paul Jorion et Julien Alexandre pour m'avoir laissé prendre la plume le 11 août dernier sur le blog pauljorion.com.
www.pauljorion.com/blog/?p=27419

L’EUROPE À DEUX DOIGTS DU DÉSASTRE, par Alexandre Letourneau


Ce qui se joue actuellement n’est plus ni moins que l’avenir de l’Europe. Ce que la plupart des gens ignorent, c’est que son destin est lié à celui de la France. En effet, afin de contenir les flots de ventes des obligations de pays en difficulté tels que l’Italie, la Grèce, l’Espagne et l’Irlande, l’Europe a mis en place le FESF (fonds européen de stabilité financière). Son but est de racheter les obligations des pays européens en difficulté. Très vite, le fonds a connu ses premières difficultés : initialement prévu pour 440 milliards d’euros, il a vu sa taille fondre à 255 milliards. En effet, seuls les pays ayant une notation triple A ont eu le droit de se porter garants (la France, l’Allemagne, l’Autriche, les Pays-Bas, le Luxembourg et la Finlande). Le 11 mars 2011, sous la pression des marchés financiers, les États ont décidé d’augmenter la taille effective jusqu’à 440 milliards poussant l’Allemagne et la France à faire le grand écart. Hélas, 440 milliards, c’est à peine suffisant pour aider la Grèce. En cas de contagion de la crise à l’Espagne ou à l’Italie, le FESF est dans l’incapacité de faire quoi que ce soit.

Dans les faits, la France et l’Allemagne sont les principaux contributeurs au FESF (la contribution étant calculée en fonction de la quote-part dans la banque centrale européenne). Son principe est celui d’un montage financier qui consiste à permettre à des emprunteurs en situation de défaut de paiement de « redorer » leur signature en mutualisant le risque. Cela ne résout en rien le problème de la dette mais permet de gagner du temps. À ce jour, le FESF est la dernière carte à jouer de l’Europe.

Je rappelle souvent que le FESF prend naissance dans un paradoxe idéologique des politiciens. D’un côté, ces derniers crient à ceux qui veulent l’entendre que les marchés « ont toujours raison », qu’ils ont une capacité de s’autoréguler et que rien ne doit entraver la formation du prix (entre l’offre et la demande). Ces seules affirmations justifient aux yeux des gouvernements les mesures de libéralisation que nous connaissons depuis des décennies. D’un autre côté, les mêmes affirment que les marchés ne comprennent rien aux problèmes de la dette, qu’ils sont incapables de s’autoréguler et donc qu’il faut intervenir massivement (à coup de 1.000 milliards via les banques centrales, le FESF, etc.) pour corriger les excès de ces derniers qui menacent s’effondrer. Voilà le signe flagrant qu’à ce jour, il y a non seulement une défaillance politique mais également une grave incohérence idéologique.

Mais outre des problèmes d’utilité et d’efficacité, le FESF possède un énorme point faible : il est lié à la note souveraine de la France. Si une agence de notation avait l’idée de dégrader d’un seul cran la note de la France et que celle-ci décide de se retirer du fonds, alors le FESF reposerait essentiellement sur l’Allemagne et l’Europe volerait automatiquement en éclat puisque des pays comme la Grèce se retrouveraient « sans couverture ». Cela provoquerait un véritable chaos financier qui se propagerait dans la journée même à l’Italie, l’Espagne, le Portugal et même la France. Même si la France décidait de rester dans le fonds, la notation de celui-ci (actuellement triple A) serait affectée, renchérissant ses conditions de financement. Cruel dilemme.

D’ailleurs, cette dernière commence à susciter l’inquiétude. La croissance de la France s’enlise et la dette s’approche dangereusement des 100 % du PIB. Une fois de plus, le budget totalement surréaliste basé sur une croissance de 2.5 % (revu à 2 %) va être déficitaire…

Attirés par l’odeur du sang, les spéculateurs s’en prennent à présent à la France. En effet, le CDS sur la dette française est en passe de s’envoler atteignant des plus hauts historiques.



Ainsi, à travers les faiblesses de la France, l’Europe se retrouve sans défense avec le pistolet des agences de notation pointé sur la tempe.

Un seul tir sur la France et c’est l’Europe qui vole en éclat.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire